MOORABIE L3.8 Part 2
en lumière polarisée
réfléchie



Fig. 1 – En lumière réfléchie, claste opaque – Moorabie © R.W.



Dans la première partie de cet article, la météorite de Moorabie L3.8 a été observée en lumière polarisée analysée (LPA) ou polarisation croisée, c’est-à-dire quand le filtre analyseur est positionné à 90° du premier polariseur. Dans ces conditions, la météorite est observée par transparence en donnant des teintes changeantes corrélées aux propriétés des grains cristallins constitutifs. Les propriétés du grain translucide, son orientation par rapport à l’axe optique, son épaisseur (idéalement 30 microns), sa composition chimique, ses impuretés, etc. déterminent les teintes observées en LPA. Corrélées à d’autres faits comme la présence de macles, de veines, de craquelures ou des exsolutions, ces observations autorisent une première analyse.

 



Fig. 2 – En lumière polarisée plane non analysée (par transparence),
ce claste difforme est bien opaque – Moorabie © R.W.


Si par contre, on regarde la lame (idéalement non couverte) en lumière blanche polarisée réfléchie, l’image reçue est donc directe comme dans le monde réel (Fig. 1). C’est d’ailleurs la seule façon d’examiner des zones opaques, telles les écailles métalliques, les sulfures, les phosphures…

La photo (Fig. 1) de ce claste opaque montre les parties réfléchies d’une lumière incidente blanche coaxiale (axe optique du microscope).La portion métallique (Fe-Ni) est très réfléchissante. Teintés de jaune chamois, se trouvent les sulfures. Deux phases sulfurées différentes sont en fait présentes mais ne peuvent être résolues par cette technique. Il s’agit de la troilite ou FeS, un sulfure ferreux typiquement extraterrestre qui donne par exsolution de la pentlandite (Fe, Ni)9S8 (très rarement terrestre, comme à Sudbury, Ontario, Canada et à Majak Mine, Oural, Russie). Cette différenciation n’est pas discernable dans les conditions expérimentales présentes.

 




Fig. 3 – Même plage observée en réflexion coaxiale de la lumière blanche avec une polarisation à la sortie du rayon, 
rendant visible la zone silicatée.
Moorabie L3.8 © R.W.



Les chondrites, en général, contiennent des écailles métalliques et des grains de troilite comme constituants habituels. On a découvert que certains de ces grains de métal et de troilite ne sont pas des fragments originels mais bien qu’ils ont recristallisé d’un état fondu dans ces chondrites. Ces faits confirment une fusion par impact du ferro-nickel et des sulfures. 

 



Fig. 4 – Pour situer la plage, une vue en lumière polarisée croisée 
avec en plus un éclairage coaxial par réflexion (d’intensité plus faible) de Moorabie © R.W.



Ce système fer-sulfure forme en fin de cristallisation une phase appelée mélange eutectique. Si ce système se refroidit brutalement, des cristaux à la texture dendritique (comme les cristaux de neige) se forment et les espaces entre les branches dépendent de la vitesse de refroidissement. Cela se produit ainsi à la surface du corps parent. De là est venue l’idée de déduire l’historique thermique favorisant des spéculations sur l’origine des clastes dans le corps parent (tout comme la composition peut le faire comme dans les dunites). En opposition, si le claste est d’origine profonde, son refroidissement sera bien plus lent.

 



Fig. 5 – Autre claste opaque (2,1 mm) intimement imprimé dans la roche silicatée 
de Moorabie suite à la fusion des sulfures et du métal. © R.W.


D’une manière générale, on pense que dans les chondrites, les grains et les clastes opaques ainsi que les phases silicatées fondues ont été produits par une fusion d’impact. Les taux de refroidissement, de l’ordre de plusieurs degrés par milliers d’années sont en faveur d’un processus au cœur même du corps parent. 

 

 




Fig. 6 – Même claste vu en lumière blanche réfléchie. Ici la partie métallique prédomine – Moorabie L3.8 © R.W.



Chez Moorabie L3.8 la fusion des chondres n’est pas apparue (uniquement une déformation), mais bien celle des métaux et sulfures. Ceci constitue un thermomètre géologique. 
Alors que la température nécessaire à la formation des impact-melts est de l’ordre de 1200 à 1700 °C, les phases soufrées fondent vers 1000 °C. D’autre part, on a vu que l’élongation des chondres est généralisée dans cette chondrite (Moorabie – Part I). Cet écrasement est attribué à un impact produit sur le corps parent alors que celui-ci se trouvait encore à une température de 400 °C environ.



CONCLUSIONS


La première conclusion que l’on peut tirer sur l’historique de la chondrite tombée à Moorabie est que l’impact subi ne fut pas trop intense puisque les silicates n’ont pas donné d’impact-melts. Par contre cet événement thermique a été tel que les sulfures ont fondu. On situe la température atteinte à 1000 °C environ.
D’autre part, une notion temporelle peut aussi être déduite puisque l’impact se fit quand le corps parent était encore chaud à quelque 400 °C.

L’examen des lames minces est ainsi primordial dans l’identification d’une roche, surtout que d’autres techniques analytiques bien plus performantes peuvent être substituées à un simple phénomène lumineux. Mais ce n’est plus le domaine de l’amateur.



REFERENCE


Takashi Fujita & Masao Kitamura – Shock melting origin of a troilite-rich clast in the Moorabie Chondrite (L3)
Proc. NIPR Symp. Antarct. Meteorites, 5, 258-269, 1992.




Roger WARIN.